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close this bookScience and Technology in the Transformation of the World (UNU, 1982, 496 p.)
close this folderSession III: Biology, medicine, and the future of mankind
close this folderLa maîtrise de la vie: Pour quoi faire?
close this folderBruno Ribes
View the documentIntroduction
View the documentI. Necessite et enjeux
View the documentII. La 'logique' du vivant
View the documentIII. Quoi faire?

III. Quoi faire?

Les notations qui prdent ont pu parae a fois trop thiques et simplistes du fait de leur concision. Elles nous ont semblndispensables pour fonder les principes fondamentaux qui nous paraissent devoir rr toute "politique" de la vie.

1. La premi proposition que nous formulons et rd s'inspire des brefs rappels que nous avons quconcernant la finalitCertes, nous l'avons vu, il est absolument nssaire que l'humanitrogresse dans la maise de la vie. Elle est pouss pour ce faire, par des imptifs de plus en plus rigoureux. Toutefois, une trgrande prudence s'impose. Car, s'agissant de la vie, nous avons affaire ne ritystque, au triple plan de chaque organisme ou de chaque individu, des socis ou groupes sociaux, du milieu. L'ilibre ou l'homtasie de ces systs est a fois fragile et dndante de nssittrstrictes. L'un des maes mots de la biologie est celui de compatibilitEn chacune de nos interventions la question du comment - comment cela s'inte-t-il? comment cela est-il compatible? - est essentielle. Et c'est elle qui est au coeur de la recherche scientifique. Celle-ci vise pprnder comment cela "se passe", comment cela fonctionne. Sans doute, pour ce faire, les biologistes sont-ils amen'interroger sur les "pourquoi" (ou pour quoi) c'est-ire sur les causes. Mais cette interrogation est inteure au comment et porte sur l'enchament. Nulle prpposition n'est ici de mise; l'important est d'affiner la connaissance de ce qui est.

Tout autre est l'application. Celle-ci se propose l'investigation des origines (par exemple de telle maladie) et la poursuite d'une fin (rem, amoration ou crion); le "comment" ne se pose que sub-semment. On ddera de faire une greffe et, dans cette perspective, on diera les conditions de possibilit Autrement dit, un jugement de valeur investit la ritune finalitst pro-pos Le "pourquoi" devient le principe de dnition de la vie; le "comment" rel du moyen.

Ces observations peuvent parae quelque peu speuses. Elles permettent cependant de saisir 'une de ses racines le malaise que ressentent bon nombre de biologistes. Ceux d'entre eux qui sont plutrientvers la recherche "pure" s'inquint du parti que l'on tire de leurs travaux; attentifs aux "systs", aux enchaments ou encore a "logique" des vivants, ils en appellent a modestie scientifique, a la prudence, ne rigoureuse critique pour relativiser certains projets ou certaines entreprises, qui ne devraient pas e mis xtion sans une suffisante connaissance de leurs tenants et aboutissants, de leurs effets a moyen ou ong terme. De leur c les praticiens et autres personnels voua la recherche appliqu considnt les dangers et les carences qui menacent les individus ou la collectivitsoucieux donc d'amorer les conditions d'existence, de surcromobilispar les fins tteindre d'urgence (et souvent presspar les employeurs ou par le grand public) se trouvent parfois contraints de se lancer dans des expences dont le retentissement, pourtant irrrsible, leur appe. A ceux qui les taxent d'imprudence, ils rrquent, non sans raison, que la vie s'explore elle-m, invente sans cesse de nouvelles formes de vivants et de subsistance, bore les antidotes aux dangers encourus, dloppe ses propres dnses ou s les moyens de sa propre proliftion. Toutefois, cette perpelle invention ne va pas sans drdres ni aberrations; surtout, elle demande du temps, ce temps qui, aujourd'hui, nous est si chichement comptA l'homme de prendre le relais pour accrer les processus qui, si on laissait faire la "nature", nssiteraient plusieurs sies ou millires.

Nous n'avons pas la prntion de trancher ici ce conflit de tendances, qui d'ailleurs s'intensifie du fait que les biologistes eux-ms, chercheurs comme praticiens, appartiennent es aires culturelles vari et se rallient es anthropologies ou es idogies particulis. Leur visse s'en trouve diffmment orient Nmoins, compte tenu de la puissance des moyens dont l'homme s'est dotil apparade plus en plus manifeste que, s'il lui appartient de substituer l'artifice aux al de l'existence ou de l'lution, de faire advenir ce qui demeure virtuel, il ne saurait le faire au mis des lois de la vie. Le point de drt oblige toute "politique" en la mati implique que le "bien" ou la "perfection" visne le soient pas sans un profond souci d'entrer dans la "logique" du vivant. D'ore premi proposition: Le "pourquoi" de nos interventions sur le vivant doit e rln fonction du "comment" du phm de la vie, pris dans toute son ampleur. Enont cet aphorisme, nous mettons l'accent sur l'obligation prudentielle de critiquer les projets de la biologie et la mise en application des possibilitqu'elle offre par rapport eur compatibilitvec les nssit("en-soi") inhntes aux systs vivants. Mais la raison ultime de cette rlation du "pourquoi" par le "comment" nous pararder dans le fait que la vie, uelque niveau qu'on l'envisage (physiologie, intelligence, libertn'a pas de finalitiscernable, si ce n'est d"'ec-sister", de faire advenir l'autre". Par leulement elle se perpe et prend sens, dans la mesure o "autre" rge effectivement ou virtuellement n "plus-e". Or, il ne nous appartient pas de prterminer cette altt

2. Il s'ensuit - et c'est notre deuxi proposition - que les biologistes, quels que soient leur discipline ou leur projet, doivent viser dinir" la vie plutu'a dnir ou a drminer (encore que l'un n'aille pas sans l'autre). Cette proposition, corollaire de la prdente, est omprendre par rapport a double dynamique qui nous a paru sous-jacente 'lution. Celle-ci, disionsnous, s'est poursuivie a fois dans le sens du mieux-e - d'un perfectionnement de l'en-soi du vivant, d'un renforcement des nssitet des rlations internes - et dans le sens du plus-e, de l'rgence es formes qualitativement supeures de vie. Il appartient, certes, a biologie de rechercher le mieux-e: parant aux dciences des individus ou visant atisfaire les besoins essentiels de l'humanitAussi bien la propension est grande dans le monde moderne d'obtenir la perfection en l't. Mais prenons garde d'oublier que, dans le domaine biologique, ce terme signifie la sclse; a limite, l'entitivante "parfaite", c'est la fourmili (du moins telle qu'elle est communnt reprnt, dont tous les membres sont rigoureusement conditionnet spalis de mani purement fonctionnelle. La biologie deviendrait insenssi elle se donnait pour objet l'involution, l'implosion, et non plus l'lution, l'rgence. Or, encore une fois, celle-ci ne peut e prtermin tout au plus pouvons-nous nous efforcer de mger ou de promouvoir les conditions qui nous paraissent avoir rendu possible cette rgence et sont indispensables pour que celle-ci se poursuive.

3. La condition prable et effet est de prrver, ntuellement de restaurer et si possible d'intensifier le caract relationnel des vivants, pour autant qu'en se conjoignant, en sa comptrant, en s'organisant, il leur est donne surpasser leurs nssitparticulis. Seraient ici eprendre tous nos dloppements anteurs concernant la rlutions de la sexualisation et la rlutions de la rexion. En ritil en va dans cette proposition de l'essence de l'e humain comme tel, dans la mesure oui-ci ne peut se riser selon ses attributs propres (son intelligence, sa libertqu'en s'ouvrant 'autre; et sans doute de l'essence m de la vie, dans la mesure oest un fait, celle-ci se doie et progresse dans l'entre-deux.

4. Mais il est clair que cette ouverture 'autre, lors m qu'elle implique pour l'homme l'incorporation dans la soci et, de ce fait, l'acceptation de certaines contraintes et rlations, connote le respect de la singularites individus. On pourrait fonder cette proposition sur bon nombre de considtions: par exemple, montrer comment l'uniformisation des individus conduirait n appauvrissement de l'humanitn abrasement de son potentiel lutif, en m temps qu'elle la mettrait en danger d'inadaptabilitPlus profondnt encore, il faut ajouter que le projet d'rgence, de libertst inscrit, semble-t-il, au trnds m du vivant, en tant qu'il en poursuit excellemment la "logique".

5. Enfin, il importe d'assumer la condition historique du vivant, m si elle postule une intation delort. Faut-il redire que la vie est reproduction ou, mieux, procrion; qu'elle "se passe" d'un vivant 'autre; et que, en fait, elle s'av lutive et capable d'rgence; que si elle devait s'arrr 't prnt de l'individu, elle forme de dloppement de ses virtualit el statut du corps social, elle deviendrait insens Et sans doute l'est-elle de prime abord, progressant aveuglnt et non sans aberrations. C'est l'dence. Mais il n'est pas moins manifeste - il le devient dans l'intelligence et dans le projet de libert que la logique qui la traverse "autorise" un incessant dssement. Si la biologie a pour objet de lutter contre tout ce qui dans la vie est carence (rupture ou dcience) de logique, confortant le vivant "en-soi", elle ne peut cependant la faire, sous peine de devenir elle-m illogique, en grevant d'hypothe l'avenir des individus, des grations futures et de l'humanit

Impossible dans le cadre de cette communication de montrer dans le dil comment chacune de ces propositions s'applique aux diverses interventions que nous sommes et serons amenoursuivre tant pour amorer et accroe les productions agricoles (et industrielles) que pour surmonter les al du destin des individus et de l'humanitQu'il nous soit simplement permis. de souligner que ces propositions, pour mentaires, voire simplistes qu'elles puissent parae, nous paraissent devoir revr une importance majeure dans les deux domaines qui sont sans doute appelonnae les dloppements les plus spectaculaires au cours des dnnies enir: nous voulons parler de la modification du comportement humain et des traitements eugques ou orthogtiques lia domination des processus de conception et de gration. Prenons y garde: trop souvent nous ne savons pas ce que nous faisons et de quelles hypothes nous grevons l'avenir des individus et des grations futures; prenons y garde plus encore: au fur et esure que les moyens nous en serons donn et ils le seront; la tentation grandira de normaliser ou de prterminer les individus: qu'il s'agisse des membres d'un groupe social ou de l'enfant que les parents souhaitent avoir. Ce serait une entreprise insens un formidable contresens par rapport a logique de la vie que de l'enfer mer dans des "mods", quels qu'ils soient.

La biologie devrait nous apparae de plus en plus, a mani, comme science du relationnel, de l'rgence, de l'histoire. Mais il va sans dire que la prnter de la sorte indique qu'elle peut et doit e interpellpar d'autres disciplines qui se donnent la m recherche (psychologie, ologie, sociologie, etc.); la rproque nt d'ailleurs souhaitable. Une approche complexe, inter- ou transdisciplinaire de l'homme comme totalitrganique s'av de plus en plus nssaire. Encore que, en dnitive, rien ne doive ni ne puisse e ici dnitif: il n'y a pas de science de l"'ec-sistence"; tout au plus peut-on en dger quelques conditions. "Ec-sister" en l'autre, historiquement, est un parti pris, une "logique" essaisir individuellement et en corps; mais c'est aussi une aventure. Il est vrai que spontannt (peut-e obscurnt avertis par les errements de la vie), le caract aventureux de l"'ec-sistence" nous rgne et nous angoisse. Partant, nous n'avons que trop tendance r a sction du mieux-e, de l'implosion dans notre ordre propre; ou nous en appelons ne science "exteure" pour prterminer cette "ec-sistence" (et donc la biologie). Tel serait le rque certains voudraient faire jouer a "politique", et d'autres 'ique. Il en est m pour souhaiter qu'il existe une Autorit Raison ou Absolu - capable d'cter des principes universellement et intemporellement valables. C'est oublier que si l'on pouvait exhiber de tels principes, ils ne nous seraient perceptibles qu'ravers une formulation humaine, donc historiquement situ qu'ils ne sauraient s'appliquer qu'ne liberture, alors que nous sommes libertncarn que chaque individu s'av biologiquement singulier, de par la texture m de ses cellules et de leur activit. Bon gral gril revient hacun de nous, personnellement et en corps, de nous constituer comme sujet de et par l'aventure de l"'ecsistence".

Oc nous mrait-elle? Se qualifier soi-m pour "ec-sister" en l'autre n'ouvre que sur une qu indnie, rdue de dssement. Apparemment. Mais en ritelui qui fait sienne cette logique acc au Sens. En effet, par la raison, que peut connae de l'Absolu celui qui a foi en lui, sinon qu'il est (dans la tradition judchrenne) Dieu Vivant principallement cet "en-soi" qui "ec-siste" en l'autre, donnant out e d'exister. Il nous revient de faire n ce Lagos: l'avenir, la fin, l'au-delous dssent.