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close this bookSurveillance Épidémiologique après un Désastre Naturel (PAHO)
close this folderPremière partie: Surveillance épidémiologique et lutte contre les maladies après un désastre naturel
close this folderChapitre 1: Facteurs déterminant les risques de propagation de maladies transmissibles après un désastre
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View the documentFacteurs égidémiologiques qui déterminent le risque de maladies transmissibles
View the documentRisques d'apparition de maladies transmissibles après un désastre naturel et après un désastre provoqué par l'homme
View the documentExpérience relative aux maladies transmissibles après un désastre

Expérience relative aux maladies transmissibles après un désastre

Il existe des exemples historiques où diverses maladies contagieuses ont atteint des proportions épidémiques après un désastre (4,5) ou lorsque la population, sous-alimentée, présente une résistance moindre aux maladies (6,7). Jusqu'à la deuxième guerre mondiale, en période de guerre ou de famine, les maladies transmissibles ont causé plus de morts que les conflits eux-mêmes ou la pénurie de nourriture. Les maladies classiquement associées à la guerre et la famine, de même que les méthodes les plus efficaces pour les combattre, sont reprises au Tableau I.

La variole a été officiellement déclarée éradiquée chez l'homme. De nombreuses autres maladies (dont le typhus exanthématique, la peste, la fièvre récurrente) ont une distribution géographique limitée, et n'existent que dans des zones perdues et peu peuplées.

La deuxième guerre mondiale constitue une période de transition pour les pays industrialisés en conflit. Durant ces cinq années de guerre continue et d'occupation, les populations européennes ont été beaucoup moins éprouvées que lors des conflits précédents. Les principales maladies, dont l'incidence s'est accrue, sont la tuberculose pulmonaire (augmentation rapide en Europe occidentale), et la fièvre typhoïde, dont le nombre de cas a doublé (8-10). Les groupes de population les plus affectés furent les personnes déplacées, les réfugiés parqués dans des camps, et les prisonniers des camps de concentration (11-13). Chez les patients malnourris et affamés, le typhus, la dysenterie, la scarlatine et la diphtérie ont provoqué des épidémies sporadiques entraînant de nombreux décès.

Depuis 1945, aucune épidémie grave de maladies transmissibles consécutive à un désastre n'a été rapportée en Europe occidentale et dans la partie continentale des États-Unis et du Canada. Ce fait est dû d'une part, à l'amélioration générale des conditions sanitaires, et, d'autre part, à la disparition de certaines maladies à vecteurs (paludisme) dans nombre de pays, ou à leur confinement à des régions isolées grâce à la mise au point et à l'utilisation d'insecticides et de pesticides efficaces. L'immunisation des populations vulnérables, par des vaccins efficaces contre des maladies telles que la diphtérie, la coqueluche, le tétanos, la poliomyélite et la rougeole, et l'antibiothérapie, qui permet d'interrompre la transmission de maladies comme la typhoïde, les affections à streptocoques et la tuberculose, expliquent également l'absence d'épidémies. Les médecins qui ont traité les victimes de désastres dans des pays industrialisés ont cependant observé une augmentation apparente des diarrhées non spécifiques, de la grippe et des infections mineures des voies respiratoires. L'ampleur du problème créé par ces maladies est telle que seule la densité de la population peut l'expliquer.

Il est difficile d'évaluer l'effet des désastres récents, en Amérique latine, dans les Caraïbes et dans d'autres parties du monde en voie de développement, sur la fréquence des maladies transmissibles. En effet, plusieurs facteurs peuvent intervenir, selon l'évolution de la dynamique des maladies, le degré de développement économique et social et l'importance de l'infrastructure sanitaire. On peut cependant noter certains points fondamentaux: la persistance de nombreuses maladies transmissibles graves, le déclin de quelques autres, l'absence de données épidémiologiques de référence, le nombre insuffisant de laboratoires de diagnostic et l'insuffisance de la couverture vaccinale.

Tableau 1. Maladies transmissibles importantes au plan de la santé publique, associées classiquement avec la guerre et la famine, et méthodes traditionnelles de prévention et de lutte

Maladies

Mesures de santé publique

A. Maladies transmises par l'eau et les aliments


1. Fièvres typhoïde et paratyphoïdes
2. Intoxication alimentaire
3. Contamination par les eaux usées
4. Choléra
5. Leptospirose

a. Évacuation adéquate des selles et des urines
b. Eau potable de boisson et de lavage
c. Préparation hygiénique des aliments
d. Lutte contre les mouches et les nuisances
e. Surveillance des maladies
f. Isolement et traitement des cas initiaux (fièvres typhoïde et paratyphoïdes, choléra)
g. Vaccination (fièvre typhoïde, choléra)

B. Transmission directe de personne à personne


Maladies de contact
1. Shigelloses
2. Diarrhées non spécifiques
3. Infections strepto-cocciques de la peau
4. Gale
5. Hépatite infectieuse

a. Réduction de la promiscuité
b. Possibilités adéquates de lavage
c. Éducation du public
d. Surveillance des maladies dans les services de santé
e. Traitement des cas cliniques
f. Vaccination (hépatite infectieuse)

Transmission par voies respiratoires
1. Variole
2. Rougeole
3. Coqueluche
4. Diphtérie
5. Grippe
6. Tuberculose

a. Couverture adéquate de vaccination avant le désastre
b. Réduction de la promiscuité
c. Surveillance des maladies dans les institutions de soins et dans la communauté
d. Isolement des cas initiaux (variole en particulier)
e. Vaccination de toute la population (variole) ou des enfants (rougeole)
f. Vaccination des cohortes d'enfants en bas âge (diphtérie, coqueluche, tétanos).

C. Maladies transmises par vecteurs


1. Typhus exanthématique
2. Peste
3. Fièvre récurrente
4. Paludisme
5. Encéphalite virale

a. Désinfection (excepté pour paludisme et encéphalite)
b. Contrôle des vecteurs
c. Surveillance des maladies
d. Isolement et traitement (pas d'isolement pour le paludisme)

D. Complications de blessures


1. Tétanos

a. Vaccination avec anatoxine antitétanique
b. Après exposition: Rappel d'antitoxine tétanique.

Persistance de maladies transmissibles graves

Malgré le peu d'informations dont on dispose sur des épisodes de maladies transmissibles après un désastre dans les pays en voie de développement, il est évident que le risque est considérablement plus élevé en Amérique latine et dans les Caraïbes qu'aux États-Unis. La raison en est que les taux de morbidité et de mortalité de nombreuses maladies transmissibles sont aujourd'hui du même ordre de grandeur que ceux observés en Europe et en Amérique du Nord au début de ce siècle (14). Ceci est vrai en particulier des affections respiratoires aigues, de la tuberculose, des maladies diarrhéiques à étiologie multiple, et des maladies qui peuvent être prévenues par les vaccinations.

Déclin de certaines maladies transmissibles graves

Alors que la plupart des maladies transmises par contact direct restent très fréquentes dans les pays d'Amérique latine et des Caraïbes, les affections classiquement associées aux désastres ont décliné ou ont disparu. La malnutrition grave et les famines répétées qui ont affecté l'Afrique et l'Asie ont épargné la région des Amériques.

Absence d'informations relatives à la surveillance épidémiologique

En raison du manque de statistiques de référence dans les pays en voie de développement, il est extrêmement difficile aux épidémiologistes de confirmer des rapports faisant état d'augmentations des cas de maladies attribuées aux désastres. Il peut arriver qu'une équipe médicale s'installe dans une région où les maladies ne sont pas régulièrement enregistrées et y rencontre des cas cliniques de fièvre typhoïde ou de tétanos. Il est difficile d'affirmer que ces cas représentent un phénomène nouveau requérant une intervention d'urgence, puisque la fréquence habituelle de la maladie n'est pas connue. Les indices épidémiologiques permettant d'évaluer les taux de maladies transmissibles après un désastre, et l'organisation des systèmes de surveillance, sont traités aux chapitres 2 et 3.

Nombre insuffisant de laboratoires de diagnostic

En Amérique latine et dans les Caraïbes, lors de désastres, la fréquence des maladies transmissibles peut être mésestimée car elle est calculée sur la base de diagnostics cliniques posés par les médecins. Tel est le cas lorsque les programmes de formation n'ont pas souligné l'importance du travail de laboratoire ou lorsque les laboratoires de microbiologie fonctionnent mal et que les cliniciens et les épidémiologistes ne leur font pas pleine confiance. C'est aussi le cas lorsque, par option politique, les laboratoires de santé publique ne disposent pas d'un soutien adéquat sous le prétexte qu'ils sont trop coûteux, utilisent des technologies inadaptées ou ne correspondent pas à la conception des soins de santé primaires dans les pays en voie de développement.

Couverture vaccinale inadéquate

La probabilité de voir apparaître des maladies qui peuvent être prévenues par la vaccination dépend de la proportion de la population qui a acquis une immunité naturelle, et de la proportion des sujets non vaccinés vulnérables. La plupart des vaccins d'utilisation courante s'appliquent à des maladies de l'enfance telles que la diphtérie, la coqueluche, le tétanos, la poliomyélite et la rougeole. Il faut proscrire, après un désastre, les programmes de vaccination improvisés. C'est avant la catastrophe qu'il faut vacciner les enfants, et c'est de la couverture vaccinale que dépendra le risque d'une épidémie une fois le désastre survenu.