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close this bookSurveillance Épidémiologique après un Désastre Naturel (PAHO)
close this folderPremière partie: Surveillance épidémiologique et lutte contre les maladies après un désastre naturel
close this folderChapitre 5: Lutte contre les maladies transmissibles après un désastre
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View the documentQuarantaine et isolement

Chimiothérapie

La distribution massive de médicaments anti-infectieux aux populations victimes d'un désastre n'est pas recommandée. Les justifications scientifiques de cette attitude sont les suivantes: les antibiotiques sont inefficaces contre les maladies à virus, telles que grippe, hépatite et rhume; aucun antibiotique administré seul ne fournit une protection adéquate contre les maladies bactériennes ou à rickettsies; les antibiotiques doivent être pris indéfiniment pour prévenir l'infection; les médicaments anti-infectieux peuvent entraîner des réactions allergiques et des effets secondaires toxiques allant jusqu'à la mort; l'utilisation incontrôlée d'antibiotiques peut aussi aboutir au développement de micro-organismes résistants, spécialement en ce qui concerne les bactéries entériques. De plus, en ce qui concerne la résistance aux antibiotiques transmise par des plasmides, celle-ci n'est pas limitée à l'antibiotique administré, mais s'étend à de nombreux autres antibiotiques. Enfin, il existe des raisons plus impérieuses pour éviter l'utilisation massive de médicaments anti-infectieux, ce sont les contraintes logistiques et en main-d'oeuvre déjà évoquées à propos des vaccinations de masse après un désastre.

Pour ces raisons, il faut déconseiller l'administration prophylactique d'antibiotiques ou de sulfamides contre la diarrhée et l'antibiothérapie de routine pour les infections simples. On invoque la malnutrition et les parasitoses intestinales multiples, sévissant sous les tropiques, pour administrer aux enfants des antihelminthiques. Malheureusement, un antihelminthique parmi les moins coûteux, comme la pipérazine, a une action limitée contre l'Ascaris lonbricoïdes. Des antihelminthiques à plus large spectre, comme le thiabendazole et le mébendazole, produisent des réactions toxiques trop sérieuses pour qu'un usage indiscriminé puisse être recommandé chez des sujets asymptomatiques; ils sont de plus beaucoup trop coûteux.

Décider de la nécessité de distribuer des médicaments chimioprophylactiques contre le paludisme est plus difficile et dépend des conditions locales et des circonstances. Il faudra avant tout voir si la population a été déplacée d'une région sans paludisme vers une zone infestée. La présence éventuelle de souches résistantes à la chloroquine doit également être prise en considération. Dans une communauté organisée et informée, on peut confier aux autorités locales ou aux chefs de famille la responsabilité de distribuer la chloroquine une fois par semaine. La prévention du paludisme à P. falciparum chloroquinorésistant est plus complexe; elle consiste en l'administration hebdomadaire de chloroquine et de primaquine associée à l'administration journalière de dapsone, ou bien en l'administration quotidienne de médicaments qui ne sont généralement pas disponibles sur place, tels les comprimés combinant Fansidar et pyriméthamine-sulfadoxine. Il est heureux que les problèmes de résistance à la chloroquine aux stades I et II ne se posent pas dans la région des Amériques, comme c'est le cas en Asie du Sud-Est.

On ne recourt généralement pas à la chimioprophylaxie du paludisme dans les régions où sa prévalence est élevée. En effet, la population est immune et cette immunité pourrait être réduite par l'administration de médicaments. Par ailleurs, une chimioprophylaxie à l'échelle de la communauté ne peut être maintenue après le départ des équipes de secours. Le traitement curatif massif est également déconseillé chez des populations déplacées lorsqu'elles viennent de zones holoendémiques. On a montré que l'élimination des infections subcliniques réduit l'immunité acquise et rend les patients plus vulnérables à la maladie quand ils retournent chez eux.

L'administration en masse de doses uniques, parentérales, de pénicilline dans les communautés où existent des cas de pian (Treponema pertenue) se justifie car c'est la seule indication universellement acceptée d'une chimiothérapie de masse (57). Toutefois, en situation d'urgence, les contraintes logistiques, le surcroît de travail imposé aux services de santé, et la pénurie de main-d'oeuvre rendent malaisée une telle entreprise.