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close this bookSurveillance Épidémiologique après un Désastre Naturel (PAHO)
close this folderPremière partie: Surveillance épidémiologique et lutte contre les maladies après un désastre naturel
close this folderChapitre 5: Lutte contre les maladies transmissibles après un désastre
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Les stratégies de lutte contre les maladies transmissibles, efficaces dans des conditions normales, le sont habituellement aussi en période de désastre. Les douzième et treizième éditions du manuel "Prophylaxie des maladies transmissibles à l'homme" (2,27) sont des abrégés très utiles, dans lesquels les mesures à prendre sont résumées, maladie par maladie. Néanmoins, les situations provoquées par les désastres présentent souvent des aspects particuliers qui feront l'objet de ce dernier chapitre. Celui-ci, pour des raisons de simplicité, sera divisé en cinq sections: l'hygiène du milieu, les vaccinations, la chimiothérapie, la quarantaine et l'isolement.

Hygiène du milieu

Les mesures d'hygiène du milieu à prendre après un désastre visent à maintenir un minimum d'hygiène et concernent l'élimination des excrétas, la distribution d'eau, l'hygiène personnelle, la distribution de nourriture, la lutte contre les vecteurs, l'inhumation des victimes et la construction d'abris.

Le manque de temps, de personnel et de ressources exigent l'établissement de priorités. Celles-ci seront déterminées en fonction des conditions existant avant le désastre, de facteurs culturels, du bien-être des populations, et des risques qu'encourt la santé publique, tel celui d'une épidémie.

En général, les efforts consacrés à l'hygiène du milieu sont proportionnels au niveau sanitaire existant avant le désastre. La durée des opérations de secours est limitée. Le caractère temporaire des secours rend impossible toute tentative d'établir des installations sanitaires permanentes ou d'aménager des sources d'approvisionnement en eau ou en vivres, si elles ont été sérieusement endommagées pendant le désastre ou si, avant qu'il ne survienne, elles étaient inexistantes. Les populations vivant dans des conditions d'hygiène rudimentaires ne pourront pas, en une si courte période de temps, être éduquées à l'utilisation correcte de latrines, de puits ou d'installations sanitaires.

Les populations rurales, exposées dans des conditions normales à des maladies transmissibles, sont dans une certaine mesure immunisées. Elles courent, lorsque les installations sanitaires font défaut, moins de risques de contracter une maladie contagieuse que les habitants des villes ou les secouristes. Par contre, l'interruption des services de distribution d'eau ou d'électricité dans une communauté industrialisée, peut entraîner l'anéantissement des services sociaux et sanitaires, ce qui facilite la transmission de certaines maladies. Les problèmes d'hygiène du milieu dans les camps de réfugiés, que le pays soit pauvre ou non, doivent toujours faire l'objet d'une très grande attention.


Il est essentiel pour la santé que l'eau potable soit fournie en quantité suffisante. Les désastres naturels peuvent: entraîner une interruption de la distribution d'eau et la contamination du système d'adduction. Des mesures spéciales doivent être prises pour protéger les installations susceptibles d'être endommagées et pour maintenir à l'abri des contaminations les sources d'approvisionnement de remplacement.

En ce qui concerne l'hygiène du milieu, les épidémiologistes doivent se rendre compte que les priorités établies par les responsables des secours ne sont pas toujours orientées vers le contrôle des maladies transmissibles.

Les premiers efforts des responsables de l'hygiène du milieu visent à la construction d'abris, à l'élimination des immondices, à la distribution d'eau et à l'inhumation des cadavres. Ils portent moins d'attention au contrôle des vecteurs, au contrôle des aliments et à l'hygiène personnelle. Ces activités sont essentielles pour prévenir la transmission de maladies infectieuses. Après les désastres, particulièrement dans les pays les plus pauvres, l'absence, à tous les niveaux, de personnel compétent, entrave la mise en oeuvre de ces mesures.

Les cadavres humains et les charognes ont rarement provoqué des épidémies de maladies transmissibles après un désastre. Abstraction faite des problèmes sanitaires, il est important d'inhumer les cadavres en respectant les moeurs et coutumes de la population. Par ailleurs, le plus souvent, l'odeur des charognes, mal ou non ensevelies, deviendra vite intolérable.

Souvent les mesures d'hygiène du milieu, prises pour prévenir la transmission des maladies infectieuses, échouent pour des raisons techniques. La chlorination avec ou sans filtration de l'eau est, par exemple, inefficace pour détruire des protozoaires tels que Giardia lamblia. Les comprimés de désinfection de l'eau (tel que la Globaline et l'Halazone) détruisent les bactéries entériques, les amibes, et certains virus, mais ne les éliminent pas tous. La distribution massive, après un désastre, de comprimés pour purifier l'eau, ne s'est pas révélée efficace dans des populations peu familières à leur usage; elle n'est donc pas recommandée comme mesure de routine. L'ingestion de ces comprimés, pris par méprise pour des médicaments, risque de provoquer des accidents mortels. Par contre, ces produits peuvent être utilisés avec profit pour la désinfection dans des groupes de population mieux informés, tels que les secouristes, les militaires, les fonctionnaires, etc.

La lutte contre les vecteurs est trop souvent orientée vers les insectes nuisibles, plutôt que contre les vecteurs de maladies transmissibles à l'homme. Les pesticides sont utilisés sur la végétation pour éliminer les moustiques importuns (Culex par exemple) plutôt que les vecteurs du paludisme (Anophèle), de la dengue ou de la fièvre jaune (Aedes aegypti). Là où les mouches domestiques ont acquis une certaine résistance, des quantités excessives de pesticides sont parfois utilisées, alors que la collecte et l'évacuation des excrétas et des immondices seraient beaucoup plus efficace.

Le manuel publié par l'Organisation panaméricaine de la santé, "Emergency Vector Control after Natural Disasters" (53) (traduit sous le titre "Lutte d'urgence contre les vecteurs après un désastre naturel") et le "Guide d'assainissement en cas de catastrophe naturelle" publié par l'Organisation mondiale de la santé (22), analysent ces problèmes de manière plus approfondie.

Vaccinations

Jadis, on préconisait, en cas de désastre, de vacciner d'urgence toute la population contre la fièvre typhoïde, le tétanos et le choléra et l'on improvisait des campagnes de vaccination en masse. Ces mesures sont aujourd'hui jugées inutiles et même dangereuses. Ce changement d'attitude est basé sur des arguments scientifiques et pratiques. Néanmoins, l'immunisation de masse reste, dans l'esprit du public et des politiciens, une des premières mesures à prendre après un désastre. Il est dès lors parfois difficile de résister à la pression de l'opinion.


Les programmes de vaccination de masse improvisés d'urgence entraînent une grande mobilisation des ressources. Une bonne couverture de soins de santé avant le désastre constitue la meilleure protection contre les épidémies de maladies transmissibles après un désastre naturel.

Les raisons scientifiques prouvant l'inopportunité des vaccinations de masse ont été passées en revue par l'Organisation panaméricaine de la santé (voir Annexe 5). Ces raisons sont les suivantes: les épidémies de maladies transmissibles sont rares après un désastre, même dans des populations non vaccinées. Les vaccins actuellement disponibles exigent deux ou trois injections à des intervalles de deux à quatre semaines; les vaccins contre la typhoïde, la paratyphoïde et le choléra ne procurent qu'une protection partielle et temporaire (quelques mois); il n'existe pas encore de vaccins efficaces contre les maladies transmissibles les plus fréquentes.

Parmi celles-ci figurent notamment les intoxications alimentaires dues à des toxines bactériennes, les salmonelloses, les diarrhées non spécifiques, l'hépatite infectieuse et la grippe.

Les manifestations cliniques de l'hépatite infectieuse peuvent être atténuées par l'injection de gammaglobulines, mais celles-ci ne préviennent ni l'infection, ni la transmission. Cette méthode est aussi trop coûteuse pour être envisagée dans les pays en voie de développement. La vaccination contre la grippe doit être réservée aux personnes âgées, aux patients atteints de maladies chroniques débilitantes et au personnel des services de base. Elle doit être pratiquée avant que la maladie n'apparaisse dans la communauté. Le vaccin utilisé contre la grippe assure une protection élevée, à condition que l'antigène soit spécifique. Les gammaglobulines et le vaccin antigrippal ne sont pas recommandés pour la vaccination de masse après un désastre.

L'expérience a montré que les campagnes de vaccinations sont difficiles à organiser immédiatement après un désastre. De plus, elles compromettent l'effort général de secours sans entraîner de bénéfice appréciable. La vaccination de masse, pour être efficace, requiert une planification préalable; il faut prévoir des moyens de communications et de transport et avoir accès à la population. Ces conditions ne peuvent pas être réunies dans l'immédiat, après un désastre. Les investissements requis sont disproportionnés aux résultats et se font au détriment d'autres activités. De plus, certains vaccins, et particulièrement ceux qui sont sensibles à la chaleur (fièvre jaune, rougeole, poliomyélite) sont difficiles à manipuler et à conserver. Il en résulte du gaspillage ou même l'administration de vaccins inefficaces.

La primo-vaccination doit être envisagée chez les jeunes enfants, dès que les populations sont hébergées dans des camps pendant plus de trente jours. Les enfants plus âgés doivent recevoir des injections de rappel au moment voulu. En ce qui concerne la stratégie et les groupes d'âge à vacciner, il faut suivre les instructions du Programme élargi de vaccination (PEV). Celui-ci prévoit la vaccination contre la diphtérie, la coqueluche, le tétanos, la poliomyélite, la rougeole et la tuberculose (administration de BCG). Il faut disposer d'une chaîne du froid pour conserver les vaccins. Il faut établir des registres de vaccination afin de pouvoir évaluer la couverture immunitaire.

La vaccination peut être effectuée, lors de l'admission dans un camp, au moment du contrôle sanitaire. Elle se poursuit dans le cadre des soins de santé primaires. Dans les camps, la vaccination doit être réservée aux groupes de population vulnérables, c'est-à-dire aux enfants en bas âge et aux femmes en âge de procréer. Celles-ci seront vaccinées seulement contre le tétanos.

Les enfants plus âgés et les adultes ne doivent pas être systématiquement vaccinés. En effet, ils sont pour la plupart déjà protégés, soit parce qu'ils appartiennent à des communautés bien vaccinées, soit parce qu'ils ont acquis une immunité naturelle. Cette stratégie permet de réduire les problèmes logistiques soulevés par les vaccinations de masse.

Certaines exceptions s'imposent toutefois. Les populations isolées peu sujettes à des maladies telles que la rougeole, la poliomyélite, et la grippe doivent être protégées. Il s'agit notamment des habitants de petites îles ou de groupes de montagnards lorsqu'ils sont hébergés dans des camps.

La vaccination peut se révéler utile chez les secouristes, pour les protéger de maladies endémiques dans la région sinistrée (vaccin contre la poliomyélite, vaccin contre la rougeole, et globuline sérique immune). La vaccination des secouristes vise à protéger un personnel-clé. Les vaccinations requises pour les volontaires des pays industrialisés sont les mêmes que celles recommandées pour les autres voyageurs internationaux (19). Elles sont en général achevées avant le départ pour la région sinistrée. S'il n'est pas possible de terminer les vaccinations à temps, les deuxièmes doses ou les doses de rappel sont administrées sur le terrain.

Des manuels sur la pratique des vaccinations et sur la chaîne du froid peuvent être obtenus auprès de l'Organisation panaméricaine de la santé et de l'Organisation mondiale de la santé (54-56).

Chimiothérapie

La distribution massive de médicaments anti-infectieux aux populations victimes d'un désastre n'est pas recommandée. Les justifications scientifiques de cette attitude sont les suivantes: les antibiotiques sont inefficaces contre les maladies à virus, telles que grippe, hépatite et rhume; aucun antibiotique administré seul ne fournit une protection adéquate contre les maladies bactériennes ou à rickettsies; les antibiotiques doivent être pris indéfiniment pour prévenir l'infection; les médicaments anti-infectieux peuvent entraîner des réactions allergiques et des effets secondaires toxiques allant jusqu'à la mort; l'utilisation incontrôlée d'antibiotiques peut aussi aboutir au développement de micro-organismes résistants, spécialement en ce qui concerne les bactéries entériques. De plus, en ce qui concerne la résistance aux antibiotiques transmise par des plasmides, celle-ci n'est pas limitée à l'antibiotique administré, mais s'étend à de nombreux autres antibiotiques. Enfin, il existe des raisons plus impérieuses pour éviter l'utilisation massive de médicaments anti-infectieux, ce sont les contraintes logistiques et en main-d'oeuvre déjà évoquées à propos des vaccinations de masse après un désastre.

Pour ces raisons, il faut déconseiller l'administration prophylactique d'antibiotiques ou de sulfamides contre la diarrhée et l'antibiothérapie de routine pour les infections simples. On invoque la malnutrition et les parasitoses intestinales multiples, sévissant sous les tropiques, pour administrer aux enfants des antihelminthiques. Malheureusement, un antihelminthique parmi les moins coûteux, comme la pipérazine, a une action limitée contre l'Ascaris lonbricoïdes. Des antihelminthiques à plus large spectre, comme le thiabendazole et le mébendazole, produisent des réactions toxiques trop sérieuses pour qu'un usage indiscriminé puisse être recommandé chez des sujets asymptomatiques; ils sont de plus beaucoup trop coûteux.

Décider de la nécessité de distribuer des médicaments chimioprophylactiques contre le paludisme est plus difficile et dépend des conditions locales et des circonstances. Il faudra avant tout voir si la population a été déplacée d'une région sans paludisme vers une zone infestée. La présence éventuelle de souches résistantes à la chloroquine doit également être prise en considération. Dans une communauté organisée et informée, on peut confier aux autorités locales ou aux chefs de famille la responsabilité de distribuer la chloroquine une fois par semaine. La prévention du paludisme à P. falciparum chloroquinorésistant est plus complexe; elle consiste en l'administration hebdomadaire de chloroquine et de primaquine associée à l'administration journalière de dapsone, ou bien en l'administration quotidienne de médicaments qui ne sont généralement pas disponibles sur place, tels les comprimés combinant Fansidar et pyriméthamine-sulfadoxine. Il est heureux que les problèmes de résistance à la chloroquine aux stades I et II ne se posent pas dans la région des Amériques, comme c'est le cas en Asie du Sud-Est.

On ne recourt généralement pas à la chimioprophylaxie du paludisme dans les régions où sa prévalence est élevée. En effet, la population est immune et cette immunité pourrait être réduite par l'administration de médicaments. Par ailleurs, une chimioprophylaxie à l'échelle de la communauté ne peut être maintenue après le départ des équipes de secours. Le traitement curatif massif est également déconseillé chez des populations déplacées lorsqu'elles viennent de zones holoendémiques. On a montré que l'élimination des infections subcliniques réduit l'immunité acquise et rend les patients plus vulnérables à la maladie quand ils retournent chez eux.

L'administration en masse de doses uniques, parentérales, de pénicilline dans les communautés où existent des cas de pian (Treponema pertenue) se justifie car c'est la seule indication universellement acceptée d'une chimiothérapie de masse (57). Toutefois, en situation d'urgence, les contraintes logistiques, le surcroît de travail imposé aux services de santé, et la pénurie de main-d'oeuvre rendent malaisée une telle entreprise.

Quarantaine et isolement

Le manuel "Prophylaxie des maladies transmissibles à l'homme" (2), résume les mesures de quarantaine et d'isolement, pour les malades et les contacts. Le guide CDC (Centers for Disease Control) "Isolation Techniques for Use in Hospitals" (58) traite de la manière de réduire la diffusion des maladies dans les hôpitaux. Malheureusement, en Amérique latine et dans les Caraïbes, les programmes de contrôle des infections hospitalières sont rudimentaires et ne peuvent généralement, même dans des conditions normales, atteindre les normes prescrites dans ce guide. Après un désastre, il se peut que les coupures d'eau et d'électricité rendent difficile le respect des mesures élémentaires: lavage des mains, désinfection, identification des souches microbiennes.

Les taux d'infection dans les hôpitaux universitaires, en Amérique latine et dans les Caraïbes, approchent de 50% en temps normal. Dans des services pédiatriques on a relevé une prévalence de la gastro-entérite supérieure à 100%. Ainsi, un enfant qui ne souffre pas de diarrhée à l'admission présentera au moins un tel épisode, avant de quitter l'hôpital. Les responsables des secours internationaux, lorsqu'ils évacuent les victimes dans les établissements hospitaliers, doivent être conscients de l'inexistence de programmes efficaces de contrôle des infections hospitalières. Un programme régional de lutte contre les infections hospitalières est actuellement mis en oeuvre par l'Organisation panaméricaine de la santé (59).